Vous croyez au hasard, vous ?
A peine notre site Graine Peace dévoilé au monde (oui, « lancé » c’était trop sobre ^^ !), mon cousin Do m’envoie une invitation facebook pour un évènement la semaine qui suit, doublé d’un message « Hello Momo, ma pote Auriane fait cette soirée de debrief de son tour du monde sur les graines et j’ai pensé que ça pourrait t’intéresser ! J’y serai donc c’est aussi l’occaz de se voir ?! ».
Un tour du monde ?
Des graines ?
“Seed Tour”. Seed c’est Graine en anglais.
Comment vous dire ?!
En plus, si je peux faire un bisou à mon cousin chéri et emmener ma pré-ado qui n’a jamais envie de rien et qui est finalement toujours contente de sortir de son monde BFF – téléphone – Dadju, alors c’est le pompon ! Evidemment, j’ai foncé, avec ma minus sous le bras !
Lors de cette soirée organisée pour ceux qui ont soutenu (par crowfunding sur Kiss Kiss Bank Bank) et suivi l’aventure Seed Tour depuis début 2018, en présence d’une soixantaine de personnes au Théâtre de Verre Co-Arter à Paris, Auriane a présenté avec autant de talent que de conviction son retour de voyage.
Pour Graine Peace, quoi de mieux que de mettre en lumière une initiative qui valorise les graines à travers la planète ?!
Et pas n’importe quelles graines ! Les semences paysannes.
Les semences paysannes, quèsaco ?
Si comme moi, vous ne connaissiez pas les subtilités des différents types de semences utilisées par les agriculteurs, le petit topo suivant s’impose ! Si vous maîtrisez très bien, alors rendez-vous au chapitre suivant pour découvrir le Seed Tour, le projet d’Auriane, que l’on peut qualifier d’intérêt général.
C’est un peu long mais c’est important. Le système de vente des semences est très réglementé mais très mais peu communiqué au grand public… pourtant le public le plus large qu’il soit !!!
Il s’agit de nous tous ! Tout le monde !
Intéressons-nous à la production de ce que nous mettons dans nos organismes TOUS LES JOURS, plusieurs fois par jour.
1-Les semences certifiées
En 1932, un décret (abrogé depuis) institue un « catalogue des espèces et variétés de plantes cultivées et d’un registre des plantes sélectionnées de grande culture ».
En 1981, un nouveau décret stipule que : « Le ministre de l’agriculture tient un catalogue comportant la liste limitative des variétés ou types variétaux dont les semences et plants peuvent être mis sur le marché sur le territoire national. L’inscription sur le catalogue est subordonnée à la triple condition que la variété soit distincte, stable et suffisamment homogène. »
Autrement dit, les agriculteurs sont appelés à se fournir en graines dans un catalogue, qui, même s’il est vaste, reste non exhaustif et donc limité. L’une des ‘garanties’ qu’offre ce catalogue est d’assurer un « haut rendement » pour l’année 1 du semis. Ce catalogue répertorie également des variétés biologiques.
2-Les semences de ferme
Les agriculteurs réutilisent les semences de catalogue de l’année 1 et les replantent. Les graines issues de ces premières semences sont des semences de ferme, de la même variété que les semences certifiées, sans certification ni garantie de rendement.
Cependant, rien ne garantissant le rendement pour l’année 2, il y a une incitation induite au rachat sur catalogue des semences certifiées. Et ainsi de suite. Vous voyez le mécanisme ?
Et on ne saurait reprocher à un professionnel de jouer la sécurité de son activité en privilégiant des matières premières « stables ». Derrière chaque entrepreneur.se, agricole ou non, il y a des familles à nourrir, des risques financiers, des paramètres qui incitent à jouer la sécurité.
3-Les semences paysannes
Les semences paysannes sont celles qui ne figurent pas dans le catalogue.
Pas calibrées. Pas standardisées. Pas toujours stables dans leur rendement.
(J’aime bien les analogies… Et cette sélection me fait penser aux gens qui ne rentrent pas dans les cases standardisées, nous méritons pourtant tous d’exister avec nos singularités !!)
Ces semences devenues rares, sont reproduites par des agriculteurs qui maintiennent leur existence par goût, par choix, par amour de leur terroir, par devoir de protection de la biodiversité.
Ces graines hors circuit, ces graines anciennes, il est aujourd’hui en France interdit de les vendre.
Il est autorisé de les échanger.
Pour rappel, on parle là de graines de certaines variétés de végétaux pour s’alimenter, hein, pas de drogue, ni de produit illicite… 🤔
Quand on sait (ou qu’on découvre, je l’ai appris en écrivant cet article !) que la France est le premier pays producteur de semence en Europe et le premier exportateur mondial… On réalise alors que ce n’est pas un petit sujet ! Ni économiquement, ni écologiquement !
Pourquoi le Seed Tour change la vie ?
La naissance de l’idée
Auriane Bertrand est une personnalité pétillante de 28 printemps.
Lors d’un stage à la Ruche qui dit oui en 2014, elle rencontre des producteurs, met le nez dans le monde de l’agroalimentaire et réalise alors l’importance de la chaîne qui va du paysan au consommateur, pourtant fondamentale et malheureusement occultée.
Consciente de la nécessité stratégique d’agir pour une transformation écologique indispensable, son mémoire est consacré à l’entrepreneuriat dans la transition agroécologique.
Ce projet de voyage autour des semences paysannes naît dans son esprit car il réunit pour elle les sujets aussi riches que cruciaux de la nutrition, l’agroécologie, la place de la femme et la spiritualité, le tout au sein de 4 sociétés très différentes… mais avec tellement de points communs !!!
Le rêve d’Auriane
Son rêve ? Faire connaître au grand public, aux consommateurs pas encore avertis, l’existence et l’importance de leur propre rôle dans la préservation des semences paysannes.
Ainsi sensibilisés, de plus en plus de personnes pourraient alors décider, en conscience, de consommer régulièrement des fruits et légumes issus de semences paysannes et permettre ainsi leur survie et leur préservation.
Soulignons dès lors l’importance de diffuser les informations, d’ouvrir nos perspectives, de s’inciter les uns les autres à être curieux et s’intéresser à ce que l’on mange.
« Un homme averti en vaut deux. »
proverbe français
L’aventure Seed Tour
Auriane a passé les 12 mois de 2018 dans 4 pays de 4 continents différents à la rencontre de 80 personnes investies dans la valorisation des semences paysannes, des “SEEDERS”.
Qui ? Des agriculteurs, bien sûr ! 20.
Mais aussi 11 chercheurs, 13 entrepreneurs, un artiste, 31 associations et 4 chefs cuisiniers. Tous acteurs et contributeurs de la biodiversité.
De ses rencontres sont ressortis 3 préceptes communs, (oubliés dans la sélection des semences certifiées) :
Biodiversité / Nutrition / Autonomie Paysanne
Gardons espoir !
Les freins
Son voyage n’a cependant pas été sans peine. Parmi les aberrations qu’elle a pu constater, l’exemple du Mexique l’a marquée : le pays dispose de la plus grande variété de maïs au monde, et pourtant la majorité du maïs consommé au Mexique vient… des Etats-Unis !
Une rapide incursion à Cuba lui a permis de comprendre que les agriculteurs locaux considèrent l’agroécologie comme sous-développement (alors qu’ils ont été forcés de la pratiquer après l’embargo des Etats-Unis) et qu’ils attendent beaucoup de l’agriculture intensive. Ils sont pourtant un exemple de transformation de leurs terres (à l’époque en monocultures de tabac et de canne à sucre) en terres agricoles variées. Les jardins partagés au cœur des villages sont aujourd’hui malheureusement délaissés… Alors qu’en France, nous essayons de nous inspirer pour retrouver notre lien à la terre !
Au Sénégal, elle a rencontré des communautés qui conservent les graines… mais elle a aussi pu constater que la majorité des terres sont accaparées par des entreprises françaises et chinoises. 😒
En France, elle réalise qu’on n’est pas si mal loti au niveau de notre prise de conscience et notre avancée vers une agriculture plus raisonnée, mais que nous avons tout à apprendre des autres pays au sujet de la spiritualité, de l’entraide et de la famille, 3 piliers communs à l’ensemble des porteurs de projets qu’elle a rencontrés.
Constater ces aberrations a été marquant et parfois décourageant.
Face à l’ampleur de la tâche et sa complexité (au regard des polémiques sanitaires soulevées par les conséquences avérées d’une agriculture intensive), il est primordial que les humains s’interrogent et s’intéressent à leur alimentation.
Elle a donc eu envie de mettre à l’honneur ces initiatives, petites par leur taille mais grandes par leur rôle.
Un axe astucieux !!
Ce que j’ai trouvé de particulièrement malin dans l’approche globale d’Auriane : la notion de cuisine y est soulignée. Surtout pour une non-aventurière de la cuisine comme moi ! C’est important, la cuisine, c’est la porte d’entrée des semences paysannes dans les foyers !
S’approprier des fruits et légumes différents, de nouvelles saveurs, de nouvelles associations… Une invitation à la créativité, en somme ! Et du plaisir à bien se nourrir !
Parmi les 80 seeders interrogés par Auriane, un chef cuisinier et membre de l’Alliance des cuisiniers de Slow Food en France, Xavier Hamon. Le Seed Tour me permet aussi de découvrir ce réseau international de restaurateurs qui valorisent les produits locaux et une alimentation saine ! 🙌
Vous connaissiez ? Je trouve que dans ce monde moderne qui court sans arrêt, à toujours aller plus vite, le retour à un rythme de vie plus paisible amène de la sérénité !!
« Toutes les cuisines du monde doivent jouir d’une même dignité.
Il est nécessaire de réhabiliter et de faire connaître les produits d’un territoire ainsi que les manières de les cuisiner : ces savoirs courent le risque de disparaître avec la biodiversité alimentaire qui les a inspirés ; ces produits supplantés par l’industrie agro-alimentaire et par une agriculture intensive, esclave de la chimie et conditionnée par le marché́ mondial. Je parle d’une gastronomie libérée. »
— Carlo Petrini, journaliste et créateur du mouvement Slow Food
Comment faire pour sauver les semences paysannes ?
Et si notre consommation agissait sur le monde ?
C’est super de soutenir l’idée mais, concrètement, comment fait-on ?
On achète des fruits et légumes issus de ces semences, pardi ! Une fois déjà, pour commencer, puis petit pas après petit pas.
On en parle aussi. A ses proches, à son restaurateur préféré, à son voisin gastronome, à son collègue qui aime être tendance… Et même à ses enfants. Oui, même entre Fortnite et Snapchat, il y a de la place pour une petite graine paysanne.
On demande à son magasin bio s’il peut s’en procurer.
C’est insolite, nouvelles saveurs, nouvelles silhouettes dans les assiettes !
Comme pour tout le reste, votre porte-monnaie reste votre principal moyen d’œuvrer pour un monde différent !
Acheter ce genre de fruits et légumes (et les manger !), c’est soutenir des producteurs garants de la biodiversité. C’est prolonger la vie de ces semences en passe d’être oubliées alors que la variété est primordiale pour garder un équilibre.
Serions-nous prêts, nous, consommateurs, à adapter nos menus aux saisonnalités ? aux variations de rendement et d’approvisionnement en vue de soutenir une agriculture raisonnée, locale, et éviter le gaspillage ?
L’appellation bio fleurit, et c’est une bonne nouvelle de voir l’engouement pour le bio, attention cependant à bien différencier le bio du bio, une sélection est nécessaire !
Consommer bio, oui.
Bio et local, c’est mieux !
Et alors bio, local ET issu de semence paysanne, là c’est une consomm’action résistante suprême. Légion d’honneur sur vous, tout ça tout ça. ✊
Petit à petit, progressivement. A son rythme. Selon ses moyens.
Et nous, Graine Peace, nous relayons le Seed Tour, nous relayons les initiatives mises en lumière par le Seed Tour, car des gens qui changent le monde depuis la base, il y en a beaucoup, et ils méritent la lumière !!
« Si vous mangez, vous êtes tous co-producteurs ».
Vandana Shiva, directrice de la Fondation de la recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles, écologiste, féministe, écrivaine indienne
Et si on encourageait le retour à la terre ?
Nous avons besoin d’agriculteurs pour nous nourrir !
Maintenant que nous avons eu la science pour guider nos politiques agricoles d’envergure et que nous en voyons les limites, il est temps de retrouver un équilibre entre productions locales, respect des saisons, adaptation à nos terroirs et exigences des consommateurs…
L’heure est à l’action. Pour ceux qui s’en sentent capables. Convertir les anciennes exploitations en petites exploitations, revenir à des cultures de qualité, adaptées au rythme de la nature versus des cultures optimisées sur tableurs et graphiques. Si cette idée vous trotte en tête depuis un moment… N’hésitez plus !!
Comment suivre Auriane et son aventure ?
Bientôt, Auriane présentera la première projection-débat du Seed Tour à Paris.
Vous pouvez suivre tous les évènements sur la page Facebook du Seed Tour pour suivre les actualités, les acteurs et la communauté du Seed Tour.
Evidemment , il y a le site web du Seed Tour pour retrouver les aventures en vidéos, en photos et en articles (un régal à lire en plus !), et toutes les informations.
Parallèlement, Auriane a créé l’association Qu’est-ce qu’on sème, qui vise à transformer les comportements de consommation pour favoriser une agriculture basée sur un choix libre et conscient des semences. Soutenons-là 😊
Petite anecdote ! La portée du Seed Tour est intéressante : des Terminales d’un lycée français ont étudié la partie mexicaine du voyage en classe d’espagnol : leur oral du bac pourra être sur ce projet inspirant !
Bravo à Auriane, bravo aux 80 seeders interrogés, bravo à ceux qui ont participé au montage du projet, bravo aux contributeurs Kiss Kiss Bank Bank, et bravo à tous ceux qui tiennent bon dans la préservation de la biodiversité et dont on ne parle pas !! Cœur sur vous !!
4 Commentaires
Coucou,
Je trouve ça tellement dommage et incompréhensible que les semences paysannes soient interdites.
Je ne vois pas pour quelle raison, c’est quand même mieux, plus gouteux ! Je ne suis pas partisane des légumes tous calibrer de la même façon, les légumes “moches” sont parfois les plus sains !
Belle journée,
Laura – Bambins, Beauté et Futilité
Coucou Laura,
c’est dommage, oui ! On espère que ce n’est pas définitif et qu’on pourra revenir à des cultures plus variées dans les années à venir !
Les fruits et légumes “moches” (c’est à dire hors des standards de “beauté” ^^ mais de variétés standard quand même) sont parfois aussi moins chers car plus difficile à vendre, c’est une aubaine !
Certaines “grandes enseignes” ont essayé d’en faire la promo il y a quelques années, je ne sais pas ce que ça a donné..!
Vous en trouvez où des fruits et légumes issus de semences paysannes près de chez vous ?
Morgane
C’est super intéressant je le savais que les graines même bio achetées dans le commerce ne pouvaient “pousser” qu’une seule fois et je ne pouvais cautionner ça, c’est qu’elle a déjà été trafiquée ! Cependant j’aurai une question, si j’achète des légumes bio dans mon supermarché bio, comment savoir si les graines qu’ils contiennent sont des semences paysannes ?
Je trouve que c’est un article qui mérite d’être connu alors je vais partager ton article sur ma page.
à bientôt
Merci Véronique 🙂
Chez Biocoop c’est mentionné spécifiquement, sinon il faut demander. Même direct au producteur ou en amap tu n’as pas forcément de semences paysannes. Mais en parler c’est déjà un début ! Si ça devient une demande, peut-être qu’elle sera suivie de l’offre…
Bravo pour ta page, très claire et intéressante ! Merci pour ton partage 🙂
A bientôt,
Morgane